Plasticienne et chanteuse lyrique
FORMATION ARTS PLASTIQUES
• Ecole des Arts Décoratifs, Paris
• Atelier Point IV, Paris
• Atelier Jamin, Paris
• CNIFOP, céramiste créateur St Amand-en-Puisaye
MUSEE
• 2 œuvres sur toile dans la collection du Musée
de la Palestine auprès de l’Unesco- 2009
• 2 sculptures et 1 peinture dans la collection du Musée d'Art Singulier Art et Déchirure - 2017
TELE
• Le monument préféré des Français
Stéphane Bern-05 septembre 2014
COLLECTIONS
• France, Espagne, Italie, Suisse, Angleterre, Allemagne, Etats-Unis, Mexique, Japon
• Didier Benesteau
• Bernard Grandvaux et Pierre Guibé
FORMATION ARTS VIVANTS
• Théâtre : Ecole Tania Balachova, Paris
• Chant : Conservatoire National Région, Rouen
PRIX
• Prix du public Aux Arts Citoyens-2013
• Prix d’œuvre sur papier ARGR 2004
• Prix du salon européen 2003
• Prix de Bouaffle 2002
• Prix des Artistes Scéens 2001
• Clam’art actuel, diplôme d’œuvre sur papier 1998
• 1er Prix « Chant degré Supérieur » concours Léopold Bellan
• 1990 1ère Médaille « Chant degré Moyen » concours UFAM
photo Xavier Lauprêtre
LA MÉMOIRE DES ÊTRES D’INÈS LOPEZ-SANCHEZ MATHELY sculptrice
par Jeanine rivais, critique d'Art
Avec quatre mots pour désigner son nom, Inès Lopez-Sanchez Mathély conserve tels des talismans héréditaires, ses origines croisées, espagnoles et françaises.
De l'Espagne, elle a gardé le souvenir inconscient des grandes migrations. Migrations juives à travers tout le Moyen-âge, suite à l'inquisition des rois catholiques, en particulier Isabelle… Plus récentes, migrations socio-économiques vers l'Afrique du Nord et l'Amérique du Sud, créant une diaspora à travers le monde… Jusqu'à la plus proche de nous, en 1933, pour fuir la dictature de Franco !
Son œuvre entière est un hommage à ces gens désespérés, regroupés en tribus pour mieux assurer leur pouvoir de résilience. Et, toujours, ces tribus migrent. Les "migrants" d'Inès obéissent-ils seulement à la nécessité de survie ? Ou bien répondent-ils à une volonté farouche de résistance à toutes formes d'asservissement ? Le mélange de races au sein de ses groupes dit bien qu'elle ne propose pas une réflexion sur la question identitaire, mais une évidence première que le métissage est l'une des richesses essentielles de son œuvre. Pour attester de l'imprégnation de ces êtres à leur situation, tous "cheminent" dans une posture tendue vers l'avant. Leurs épaules basses serrées portent toute la misère du monde. Leurs ventres creux, leurs jambes cagneuses sont leur triste apanage. Défilé affligé de bannis, d'exclus, simplement de miséreux, n'en pouvant plus de supporter l'oppression. Mais démarche de tous les dangers ; où, pour survivre, les individus ont dû se rassembler, élaborer pour le groupe des habitudes instinctives à l'origine de leurs hiérarchisations.
De la France, elle a, semble-t-il, acquis une grande sérénité, des certitudes, qui réunissent ses migrants en grappes et conciliabules. C’est le moment du bivouac, après la longue fatigue de la journée. Moment où, les fardeaux déposés, les groupes se reforment, les épaules se rapprochent. Chacun se détend, se laisse choir en des poses abandonnées. Les muscles relâchés laissent apparaître des courbes au creux des reins…
Les peurs oubliées, vient le temps des contacts, des caresses, de l'intimité entre une mère et son enfant, celui où elle fait sauter son bébé au-dessus de sa tête, où une fillette gronde sa poupée… C'est le temps des menues confidences formulées à mi-voix, avec un sentiment paresseux de bien-être... Le temps où surgissent des fragments d'histoires à peine organisés, des nostalgies instinctives… Le temps où la pudeur n'existant pas, une femme peut s'asseoir jambes écartées devant le feu du campement. Temps heureux de l'absence d'inhibitions. Scènes d'un quotidien plein de tendresse, de très forte sensation d’intimité. Instantanés fragiles et précieux au cours desquels la tribu passe des détails du banal le plus trivial, la peur, la sueur, la marche des corps luttant contre les éléments… à l'enchantement de la chaleur, douce et brûlante à la fois.
En somme, forte de l'une et l'autre influences, Inès Lopez-Sanchez Mathély manifeste son souci permanent de la recherche de l'humain. L'humain, fragile, mais si résistant aux aléas de la vie. Et, plus spécifiquement encore, sa quête porte sur le rôle de la femme dans la société –car en fait, la femme est presque exclusivement représentée dans son monde-. Sa volonté de rappeler que depuis la nuit des temps, et hélas de nos jours encore, elle a été la "moindre", l'"impure", celle que l'on peut soumettre, réduire en esclavage, violer, frapper. Celle qui, bien que seule capable de donner la vie, doit être tenue à distance, cachée de la tête aux pieds même, pour préserver la suprématie de l'homme !...
Cette vie et cette fragilité se retrouvent dans la façon de créer de l'artiste : Elle part d'un squelette qui sera ensuite caché, ou laissé en fragments apparents, constitué de métaux et grillages récupérés qu'elle modèle et soude. Elle renforce cette ébauche par des plaques minces d'un mortier naturel laissant apparaître des portions de ce squelette pour traduire la maigreur ; ou des amas de ce même mortier qui, générant plaies et bosses, vont obliger les matériaux suivants, tissus, filasse, paille, mousse… à se calquer dessus, les coulures et déchirures ajoutant à l'aspect miséreux des personnages. Et, s'il est un élément renforçant l'idée de la femme "créatrice", c'est le fait paradoxal que souvent, seul le vide occupe la place du ventre, témoignant de l'"attente" ; ou que le bébé apparent sous le grillage, corrobore ce rôle.
Ainsi, Inès Lopez-Sanchez Mathély sait-elle à la perfection, densifier les silhouettes. Créant non des anatomies "esthétiques", mais des êtres dont le dépouillement, les aspérités, témoignent du primitivisme de leur existence. Sans pour autant se vouloir hyperréaliste, la précision du moindre détail, la manière bien à elle de délaisser des perspectives lointaines pour donner à ses scénographies l'omniprésence des premiers plans, ont communiqué au fil des années à ses créations une telle véracité qu'elles apparaissent comme autant d'authentiques pages d'anthropologie. Car elle est incontestablement une scénographe de talent. En atteste sa faculté de modeler les attitudes, situer ses personnages, toujours réalisés grandeur nature, hors de tous temps, tous lieux, tous contextes sociaux si ce n'est assurément qu'ils sont pauvres !
Ainsi, voir les tribus d'Inès Lopez-Sanchez Mathély, c'est retrouver la mémoire atavique, se replonger dans les affres de l'exode, de la fuite obligée, des désarrois sans fin. Être sensible à la façon dont elle les traduit en des œuvres expressives, narratives, dans lesquelles elle est profondément investie. Et qu'avec sa belle voix de soprano, elle accompagne de chants plaintifs a capella, de séfarades judéo-espagnoles, recréant ainsi la chronique des forces tutélaires qui, depuis la grotte, emmènent l'homme toujours plus loin, toujours "ailleurs".
Jeanine RIVAIS
Octobre 2015.